COMMENTAIRE DU PSAUME 5
Ce psaume est l'imploration d'un fidèle qui, harassé et calomnié, vient au matin chercher consolation et protection auprès de Dieu. Le recours à Dieu se fait devant l'Arche sainte.
1 Pour le maître de choeur. Pour les flûtes. Psaume de David.
« Pour les flûtes » est un hapax (une seule occurrence dans toute la Bible) dont le sens est incertain.
2 Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur ;
comprends mon gémissement.
3 Sois attentif à la voix de ma clameur,
Mon Roi et mon Dieu.
Long cri d'imploration destiné à capter l'attention de Dieu. Le terme gémissement traduit l'hébreu hâgîg qui dérive du verbe hgg, « murmurer » (encore et seulement au Ps 39, 4). Le v. 3b plein d'affection est révélateur de l'intimité qui existe entre le psalmiste et le Seigneur.
4 Car c'est toi que je prie,
Seigneur, au matin tu écoutes ma voix ;
au matin je me tiens devant toi et j'attends.
L'angoisse est telle que dès le matin, le psalmiste vient au Temple pour confier sa détresse au Seigneur. Dans le Proche-Orient ancien, c'est au lever du soleil que l'on attend les oracles et les théophanies.
5 Car toi, tu n'es pas un Dieu qui veut l'initquité ;
le malin n'habitera près de toi,
6 ni les injustes ne perdureront
devant tes yeux.
Rien de commun entre Dieu et l'iniquité / l'impiété, qui est le contraire de la justice à l'égard de Dieu et du prochain. Le psalmiste fait donc appel au Dieu Saint qui ne peut favoriser les injustes. Il Lui rappelle qui Il est pour hâter son intervention. Le mal, le malheur, c'est le contraire du bien et de la paix. Les injustes, hôlelîm, littéralement « ceux qui se louent eux-mêmes », sont encore dénoncés aux Ps 73, 3 et 75, 5.
7 Tu hais tous les ouvriers d'iniquité,
tu perds ceux qui profèrent le mensonge ;
l'homme sanguinaire et trompeur
le Seigneur l'a en abomination.
Dieu hait les « ouvriers d'iniquité »[1], ceux qui fabriquent de la méchanceté ou des idoles, qui œuvrent pour le néant : Il faut s'en détourner (Ps 6, 9) ; ils dévorent le Peuple de Dieu (Ps 14, 4 ; 53, 5), parlent de paix alors que le mal est dans leur cœur (Ps 28, 3). Le psalmiste demande à en être préservé (Ps 64, 3) car ils se vantent (Ps 94, 4) et attaquent le juste (Ps 94, 16 ; 141, 9) ; mais Dieu les éliminera (Ps 125, 5) ; ils seront renversés (Ps 36, 13 ; 92, 8), disloqués (Ps 92, 10), retranchés de la ville du Seigneur (Ps 101, 8). Les Psaumes insistent sur les propos maléfiques que tiennent ces faiseurs d'iniquité (Ps 28, 3 ; 64, 3-4 ; 94, 4).
Ceux qui profèrent le mensonge s'opposent directement à Dieu car Lui ne ment pas (Ps 89, 36) et est fidèle à tout ce qu'il dit (Ps 145, 13cd [LXX]). Le mot “mensonge” peut désigner les idoles (Is 28, 15.17 ; Am 2, 4 ; Ps 40, 5). Le Ps 58, 4 dénonce le mensonge invétéré, et le Ps 62, 5 stigmatise celui qui prend plaisir à mentir.
L'homme sanguinaire désigne l'assassin réel ou potentiel, dont le psalmiste demande à être préservé (Ps 26, 9 ; 59, 3 ; 139, 19) et qu'il souhaite voir punir par Dieu (Ps 55, 24).
Le trompeur triche et trompe souvent par ses propos (Ps 10, 7 ; 17, 1 ; 24, 4 ; 34, 14 ; 35, 20 ; 36, 4 ; 38, 13 ; 50, 19 ; 52, 6 ; 109, 2 ; 144, 8). La fraude est parallèle à l'injustice (Ps 43, 1) et à la ruse (Ps 55, 12).
8 Mais moi, par l'abondance de ta miséricordre
j'entrerai en ta Demeure ;
Je me prosternerai vers ton Temple saint
en ta crainte.
Appel à Dieu qui est riche en miséricorde et favorable au juste. Être admis dans le Temple de Dieu, c'est être admis dans son intimité. La prosternation est un acte d'adoration qui va jusqu'au corps. La crainte est ici une crainte religieuse, c'est-à-dire une attitude d'esprit faite de révérence et d'amour.
9 Seigneur, en ta justice, conduis moi
à cause de mes ennemis,
rends droit ton chemin devant moi.
Le psalmiste demande de vivre selon la justice divine et d'échapper à la malice de ses ennemis. Seul Dieu peut lui éviter les embûches dressées contre lui et le faire entrer dans son dessein providentiel.
10 Car il n'est pas de vérité en leur bouche,
leur coeur est une fosse [2] ;
leur gosier est un sépulcre béant,
ils amolissent leur langue.
Mensonge et calomnie sont les armes de ses ennemis. Leurs propos sont porteurs de mort, comparables au Shéol qui engloutit ses victimes. Ils parlent de leur propre fond, mais empruntant des formes déguisées, mielleuses.
11 Juge-les [3] illos, [mon] Dieu ;
qu'ils échouent dans leurs intrigues ;
selon l'abondance de leur impiété, chasse-les,
car ils t'ont irrité, Seigneur.
L'imprécation vise ici la conversion des ennemis, non leur châtiment éternel. Tout ce qui nuit à l'homme intègre atteint Dieu lui-même : « Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9, 4). Que leurs pensées perverses les fassent eux-mêmes tomber ! Ils sont riches en impiété, c'est pourquoi il faut qu'ils soient chassés du Temple, loin de la présence divine.
12 Et que se réjouissent tous ceux qui se confient en toi,
qu'à jamais ils exultent.
Tu les obombreras et ils se glorifieront en toi,
ceux qui aiment ton Nom ;
Certitude de bonheur pour ceux qui vivent en Dieu et selon Dieu. Lui-même les protégera.
13 car tu béniras le juste, Seigneur,
comme d'un pavois, tu l'entoureras par ta bienveillance.
Le pavois (Ps 35, 2 ; 91, 4) désigne un bouclier rectangulaire plus grand que celui mentionné au Ps 3, 4 et qui abrite tout le corps. La bénédiction est promise au juste, c'est un leitmotiv depuis le début du Psautier. « Dieu est lui-même la couronne des justes » Origène.
[1] 16 occurrences de cette expression dans le Psautier : 5, 6 ; 6, 9 ; 14, 4 ; 28, 3 ; 36, 13 ; 53, 5 ; 59, 3 ; 64, 3 ; 92, 8.10 ; 94, 4.16 ; 101, 8 ; 125, 5 ; 141, 4.9.