COMMENTAIRE DU PSAUME 3
Face aux menaces et aux sarcasmes, un fidèle de YHWH oppose uniquement sa confiance en Dieu. Mis à part le titre, trois mouvements se dessinent soulignés par l'emploi de la 2e personne du singulier au début (v. 1-4) et à la fin (v. 8-9), et celui de la 3e personne singulier au milieu (v. 5-7). Ce psaume peut être de David : lorsqu'il dut fuir devant Absalom, il fut abandonné de l'ensemble du peuple (2 S 15, 13 ; 17, 11), outragé par les siens (2 S 16, 7-8) et attaqué de nuit par les conjurés (2 S 17, 1-14). Les Pères l'appliquent aux circonstances de la Passion du Christ.
1 Psaume de David,
quand il fuyait devant la face d'Absalom, son fils.
Dans le TM, 57 psaumes sont désignés comme « psaume », mizmor, et 73 psaumes sont attribués à David d'après leur titre. Même si la notice De David ne désignait pas nécessairement à l'origine l'auteur du psaume, elle a été interprétée ainsi à une certaine époque. Le colophon [1] du Ps 72, 20, « fin des prières de David », en est un indice, et l'évocation de circonstances historiques, présente dans 13 titres du TM, vient confirmer cette interprétation. Il est bien sûr profitable de se reporter aux livres de Samuel où ces circonstances sont narrées : 2 S 15, 13-19 et 16 – 18.
Tous les titres mentionnant des circonstances historiques de la vie de David, à l'exception du Ps 51, font allusion à David affronté à ses ennemis. Six psaumes au moins sont situés dans le cadre du conflit entre David et Saül (Ps 52 ; 54 ; 57 ; 59 ; 63 ; 142). Parmi les autres ennemis de David mentionnés dans les titres des psaumes se trouvent Absalom (Ps 3), les Araméens (Ps 60) et les Philistins (Ps 34 ; 56).
2 Seigneur, qu'ils sont nombreux mes oppresseurs,
nombreux ceux qui se lèvent contre moi,
Le psalmiste persécuté crie de terreur, mais crie vers YHWH (693 fois dans le Psautier). L'insistance sur le nombre important des oppresseurs, montre combien la situation est grave et pénible. La mention des ennemis est l'un des traits caractéristiques du Psautier. Il les désigne sous différents noms : « ennemis », « oppresseurs », « ceux qui se dressent contre », « ceux qui persécutent », « impies », « ouvriers du mal », « haineux », « faiseurs d'iniquité », « traîtres », « hommes de fraude », « hommes de sang ». Ces ennemis se glorifient de leur puissance, profèrent des insultes contre le juste, et se réjouissent de son malheur. Ils agissent telle une armée qui assiège et attaque (Ps 3, 7 ; 27, 3 ; 55, 19...), sont comparés au chasseur ou au pêcheur qui s'empare de sa proie (Ps 7, 16 ; 9, 16 ; 31, 5...) ou à des animaux (lions, taureaux, chiens) qui attaquent (Ps 7, 3 ; 22, 13-14 ; 27, 2...). Leur identification n'est pas toujours aisée.
3 nombreux ceux qui disent à mon âme :
pas de salut pour lui en Dieu ! [sélâh]
Autour du psalmiste fusent les propos défaitistes de ceux qui pensent que Dieu l'a abandonné (cf. Séméï [2 S 16, 7], la femme et les amis de Job, la femme de Tobit, la foule devant Jésus en croix). Le mot « Dieu », Elohim revient 365 fois dans le Psautier.
Le mot sélâh (71 fois dans la Psautier), traduit diapsalma dans les LXX, pourrait signifier « élévation de voix », « arrêt / pause », « interlude ».
4 Mais Toi, Seigneur, bouclier autour de moi,
ma gloire, et redressant ma tête.
Aux paroles des impies, le psalmiste oppose une admirable confession de foi en Dieu-sauveur (cf. Gn 15, 1) qui est comme un bouclier autour de lui. Dieu est sa « gloire », c'est-à-dire celui qui restaure sa dignité et son honneur (Ps 21, 6 ; 62, 8). La tête baissée est le signe de la tristesse, de la honte ; relevée, elle est le signe du triomphe ; un juge relève la tête de l'accusé s'il l'acquitte. Relever la tête de quelqu'un signifie donc le remettre en faveur (Gn 40, 13 ; Ps 110, 7).
5 Ma voix vers le Seigneur, je crie,
et Il me répond de sa montagne sainte. [sélâh]
Le psalmiste interrompt sa prière et se concentre en ses réflexions. La confiance se nourrit des expériences du passé. La mémoire ici est l'espérance du futur. S. Augustin disait : « Élève ta voix s'il y a une oreille humaine pour t'entendre ; fais-la taire s'il n'y a personne ; mais pour écouter le fond de ton être, il y a toujours quelqu'un : Dieu » (PL 37, 1316). Et le pape Benoît XVI, dans l'Encyclique Spe salvi, écrivait : « Si personne ne m'écoute plus, Dieu m'écoute encore. Si je ne peux plus parler avec personne, si je ne peux plus invoquer personne – je peux toujours parler à Dieu. S'il n'y a plus personne qui peut m'aider – là où il s'agit d'une nécessité ou d'une attente qui dépasse la capacité humaine d'espérer, Lui peut m'aider » (n° 32).
La montagne sainte dont il est question est probablement la ville de Jérusalem ou la colline choisie par David comme lieu de résidence pour l'Arche dès son transfert de Cariathiarim à Jérusalem (1 S 7, 1-12 ; 2 S 6, 2-12). C'est de Jérusalem que Dieu accorde le salut.
6 Moi, je me couche et je dors ;
je m'éveille car le Seigneur me soutient.
L'épreuve, trop lourde, a provoqué une fuite de la réalité dans le sommeil (1 R 19, 1-8). La catéchèse chrétienne songera au sommeil du Christ dans le tombeau suivi de la résurrection.
7 Je ne crains pas les multitudes du peuple
qui se placent alentour contre moi.
La foi et la force du psalmiste s'affermissent encore. C'est le crescendo de la confiance malgré le nombre impressionnant des ennemis.
8 Lève-toi, Seigneur !
Sauve-moi, mon Dieu !
Face aux oppresseurs qui se dressent contre lui, le psalmiste appelle son Seigneur à se dresser contre eux. Son cri témoigne d'une intimité entre lui et son Dieu. C'est un véritable cri de guerre associé à l'arche d'alliance, symbole de la présence divine et palladium d'Israël (Nb 10, 35 ; Ps 68, 2).
Oui, Tu as frappé tous mes adversaires à la joue,
les dents des méchants, tu [les] as brisées.
Les verbes de ce distique sont au parfait. Ils peuvent s'entendre de parfaits prophétiques à sens futur exprimant une certitude d'être exaucé. YHWH est appelé comme justicier et chasseur (1 S 17, 34). Frapper quelqu'un à la mâchoire exprime le mépris et l'insulte (1 R 22, 24 ; Jb 16, 10 ; Lm 3, 30 ; Mi 4, 14 ; Mt 5, 39 ; Jn 19, 3).
9 Du Seigneur, le salut !
Sur Ton peuple, Ta bénédiction ! [sélâh]
Les oppresseurs avaient lancé : « Pas de salut pour lui en Dieu ». Le psalmiste leur rétorque : « Si, le salut vient du Seigneur ! » Expression pleine d'assurance du salut définitif, doublée d'un appel à la protection divine sur la nation. Le Psaume 1 décrivait la conduite du juste et le bonheur que Dieu lui donne ; le Psaume 2 montrait le roi-messie affronté aux impies, mais assuré de la victoire ; le Psaume 3 identifie ce juste et ce roi-messie affronté aux impies et aux adversaires : David fuyant Absalom.
[1] Note finale d'un manuscrit.