INTRODUCTION AU PSAUME 119
Le Ps 119 est le plus long psaume du Psautier avec ses 176 versets et ses 22 strophes dont chacune comprend 8 versets et correspond, selon l'ordre alphabétique, à une des 22 lettres de l'alphabet hébraïque. De plus, chaque verset d'une strophe commence par la lettre attachée à celle-ci ; la première strophe, par exemple, correspond à la première lettre de l'alphabet hébraïque, Aleph, et chacun de ses 8 versets débute par un Aleph.
Ne se trouve dans la Bible qu'un seul autre cas de cet alphabétisme strophique, en Lm 3, 1-66, où chaque strophe – trois versets – commence par la même lettre. En dehors des Écritures, ce type de composition se fait jour dans la littérature babylonienne autour de l'an 1000 av. JC.
Par ailleurs, le Ps 119 utilise au fil des strophes huit termes quasi synonymes référés à la Loi et accompagnés d'un possessif relatif à Yhwh : torah / lex / loi (25x), dabar / verbum / parole (24x), mishpatim / iudicia / jugements (23x), ̀êdôt / testimonia / témoignages (23x), huqqim / iustificationes / justices (22x), miswôt / præcepta / préceptes (22x), piqqudim / mandata / commandements (21x), 'imrâh / eloquium / parole (19x). Tous les versets, sauf les versets 90 et 122, contiennent un de ces termes, et même deux pour les versets 16, 48, 160, 168 et 172. « Toute la révélation divine conçue comme règle de vie qui conduit au Salut, tel est le sens large que l'on doit accorder aux différents synonymes du mot “loi” dans le Ps 119 »[1]. Les huit vers de chaque strophe et les huit mots récurrents ont peut-être aussi une portée symbolique : l'ajout du chiffre 1, connotant le commencement, au chiffre 7, symbole de perfection, pourrait évoquer le recommencement ; le psaume manifesterait le pouvoir de renouveau attaché à la pratique de la Loi.
D'autres termes apparaissent fréquemment dans ce psaume. Ils sont relatifs à l'intériorité et à la vérité : “garder” (20x), “vivre” (20x), “apprendre” (13x), “aimer” (11x), “comprendre” (10x), “préserver” (10x), “oublier” (9x), “connaître” (5x), “craindre” (4x), “haïr” (4x), “cœur” (21x), “justice” (12x), “amour” (7x), “fidélité” (5x), “vérité”(4x).
La construction du Ps 119 crée indéniablement une ambiance didactique et sapientielle. On pourrait en parler comme d'une grammaire de la Loi et de sa mise en pratique. Étant donné que ce psaume se situe après une série de psaumes qui célèbrent le rachat d'Israël lors de l'exode, il peut être lu comme une supplication d'Israël humilié par l'exil, mais convaincu que son bonheur dépend de la mise en œuvre des commandements divins. Le Ps 119 fait entrer à l'école de Dieu. Son alphabétisme strophique veut exprimer la plénitude du message divin à laquelle le psalmiste veut participer en se laissant enseigner et sauver.
L'ensemble du Ps 119 peut être classé dans le genre littéraire de la supplication : 90 versets, plus de la moitié du psaume donc, contiennent soit une demande, soit une lamentation. Les demandes du psalmiste expriment son désir de vivre selon les commandements divins et son espoir d'être délivré : « Enseigne-moi » est un leitmotiv du psaume (vv. 12.26.64.66.68108.124). À part les versets 1 à 3 et 115, le psaume s'adresse directement à Dieu interpellé à la deuxième personne.
« L'homme n'est qu'un émigré ici-bas, sa patrie est ailleurs. La révélation divine lui sert de viatique (Ps 119, 19.54) en attendant l'autre patrie, celle de la justice »[2]. « Dans un monde hostile, le psalmiste confesse les limites de toute entreprise humaine, même lorsqu'elle atteint son accomplissement, et l'infini de la Parole divine (Ps 119, 96) »[3].
[1] Vesco J.-L., Le psautier de David, Lectio divina 211, II, Cerf, 2006, p. 1131.
[2] Ibid., p. 1145.
[3] Ibid., p. 1146.