COMMENTAIRE DU PSAUME 4
Ce Psaume est un chant de gratitude et de confiance au Seigneur. À l'approche de la nuit, tout danger écarté, le psalmiste se repose en Dieu et exhorte à revenir à Lui pour connaître la douceur de son intimité.
1 Pour le maître de choeur. Avec des lyres. Psaume de David.
« Pour le maître de chœur » : possible référence au recueil de chant auquel appartient le psaume ; revient 55 fois dans le Psautier.
2 Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice.
Dans l'angoisse, tu m'as mis au large ;
pitié pour moi, écoute ma prière.
Gratitude pour les bienfaits passés ou supplication s'appuyant sur ceux-ci selon que l'on adopte le TM (Quand je crie, réponds-moi...) ou les LXX (Quand j'ai crié, il m'a répondu...), et demande de bienfaits futurs. « Tu m'as mis au large », c'est-à-dire « tu m'as tiré d'un lieu étroit ». En 1 Co 1, 30, S. Paul écrira que le Christ est notre justice, autrement dit il rend justice et rend juste.
3 Fils des hommes [LXX][1], jusques à quand serez-vous lourds de coeur [LXX][2] ?
Pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge ? [sêlâh]
Réflexion et adresse à ceux qui ignorent le Seigneur, qui le méprisent et recourent à des idoles. Les « fils d'hommes » sont les humains en général, mais ici le sens semble plus restreint : ceux qui contrarient les desseins de Dieu. L'expression « être lourds de cœur » signifie « manquer d'intelligence » ; les pèlerins d'Emmaüs, qui n'ont rien compris aux événements de la Passion, parce qu'ils ne les ont pas mis en relation avec la Parole de Dieu contenue dans la Loi de Moïse et les Prophètes (Lc 25, 27), entendent ce reproche : « Ô cœurs manquant d'intelligence et lourds-durs »[3] (Lc 24, 25). Les termes « vanité » (vide, néant, rien) et « mensonge » sont à entendre aussi bien au plan ontologique (ce qui n'est rien ; Ps 62, 10) que religieux (idoles ; Am 2, 4) et éthique (ce qui est contraire à la vérité ; Ps 62, 5 ; Pr 14, 15).
4 Sachez que le Seigneur a fait merveille pour son fidèle [LXX][4] ;
le Seigneur entend quand je crie vers lui.
Le psalmiste, de maître se fait témoin et appuie son adresse par l'expérience de la délivrance que Dieu lui a procurée (apologétique par l'expérience). Le terme fidèle traduit ici l'hébreu hâsîd qui se trouve 25 fois dans le Psautier (sur 34 occurrences pour l'ensemble de la Bible hébraïque ; viennent immédiatement après le livre des Proverbes et le premier livre de Samuel avec 2 occurrences seulement chacun) ; cet adjectif exprime la qualité de celui qui est motivé par l'amour d'alliance, le héséd, et qui y répond par la fidélité ; le Ps 145, 17 l'applique à Dieu pour dire qu'Il est juste et bienfaisant.
5 Mettez-vous en colère [LXX][5] et ne péchez pas [sêlâh] ;
parlez dans vos coeurs sur vos couches, et faites silence.
6 Offrez un sacrifice de justice et faites confiance au Seigneur.
Appel à la conversion qui est aversion du péché (v. 5) et conversion à Dieu (v. 6). L'invitation à se mettre en colère n'a ici rien de peccamineux. Au contraire, elle incite à désapprouver son péché passé et à combattre tout péché éventuel. Comme l'écrit S. Thomas d'Aquin : « Il est louable de se mettre en colère selon la raison »[6] ; et encore : « Il y a deux espèces de colère, l’une bonne, l’autre mauvaise. La colère est mauvaise, lorsqu’elle tend d’une manière désordonnée à la vengeance, c'est-à-dire contre la justice. Elle est bonne, quand elle tend à une vengeance légitime, c'est-à-dire lorsqu’on se livre à la colère quand il convient, contre qui il convient, et dans la mesure qui convient »[7].
L'exhortation à parler dans son cœur incite à rentrer en soi-même pour réfléchir, méditer sa conduite passée, prendre de bonnes résolutions, prier Dieu et s'endormir avec Lui. Le sacrifice de justice est à la fois sacrifice rituel et bonnes œuvres à accomplir. Le verbe bathaħ, « faire confiance à », « espérer », se rencontre dans le Psautier plus que dans aucun autre livre de la Bible hébraïque, 48 fois, pour 22 fois seulement dans le livre d'Isaïe.
7 Nombreux disent : “Qui nous montrera le bonheur ?”
Fais lever sur nous [comme signe LXX] la lumière de ton visage, Seigneur!
À l'interrogation de ceux qui cherchent le bonheur, le psalmiste se tourne vers Dieu pour qu'Il se révèle dans ses fidèles en leur donnant sa grâce comme la source même du bonheur. La lumière du visage est le sourire, signe manifeste de bienveillance pour celui auquel on l'accorde. Il y a là une évocation de la bénédiction d'Aaron (Nb 6, 24-27 ; Ps 3, 9).
8 Tu as mis dans mon coeur plus de joie,
que lorsque se multiplient leur froment et leur vin.
La joie suprême ne vient pas des biens matériels synthétisés ici par le froment et le vin. Elle est un don de Dieu fait au cœur de l'homme qui surpasse la joie de la moisson et de la vendange, pourtant proverbiales (Is 9, 2 ; 16, 10 ; Jr 48, 33).
9 En paix, tout aussitôt je me couche et je dors,
car toi seul, Seigneur, tu m'établis en sûreté.
Le psalmiste s'abandonne au sommeil dans le calme, car il trouve avant tout son repos en Dieu : Lv 36, 3-9 : « Vous dormirez sans que personne vous effraie » ; « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu'à ce qu'il repose en Toi »[8]. Le bonheur est la paix que l'on trouve dans l'intimité avec Dieu.
Tout aussitôt traduit l'hébreu yaḥedâw, « ensemble » : le psalmiste se couche et s'endort « ensemble », c'est-à-dire « simultanément » ; les deux actions sont concomitantes comme au Ps 35, 26. Mais selon certains, « ensemble » désigne l'unité du psalmiste avec lui-même – « unifié, je me couche... » – ou avec Dieu. « En sûreté » : cf. Dt 12, 10 ; 33, 28.
[1] TM : « Fils d'homme... » : Cette expression se retrouve encore et seulement aux Ps 49, 3 et 62, 10, et en Lm 3, 33, alors que « fils d'humain » apparaît 62 fois dans le Psautier. Elle pourrait désigner des personnages importants.
[3] L'adjectif populaire « lourdingues » conviendrait bien puisqu'il implique « lourdeur » et « folie ».