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LE SACREMENT DE L'ORDRE : CARACTÈRE – GRÂCE – AGIR

(les tria munera Christi)

INTRODUCTION

« L'Ordre est le sacrement grâce auquel la mission confiée par le Christ à ses Apôtres continue à être exercée dans l'Église jusqu'à la fin des temps.[1]» Bien qu'unique, ce sacrement comporte trois degrés, l'épiscopat, le presbytérat et le diaconat, par lesquels le Christ Lui-même se rend présent à son Église comme sa Tête.

LE CHRIST : UNIQUE GRAND PRÊTRE

De même que le Christ est l'unique Tête de l'Église et l'unique Médiateur entre Dieu et les Hommes, de même il est l'unique grand Prêtre qui transmet les dons divins aux Hommes et réconcilie les Hommes avec Dieu. Sa plénitude de grâce qui constitue formellement son sacerdoce s'exerce d'une triple manière : cultuelle (l'offrande de soi-même sur l'autel de la Croix pour la gloire de Dieu et le salut du monde), prophétique (la prédication de la vérité) et royale (la conduite des fidèles vers la gloire). Ces trois fonctions du Christ-Prêtre[2] sont appelées les tria munera christi : la sanctification (munus sanctificandi), l'enseignement (munus docendi) et le gouvernement (munus regendi).

LE SACERDOCE MINISTÉRIEL ET LE DIACONAT

Bien qu'unique, le sacerdoce du Christ se communique d'une part comme sacerdoce baptismal et d'autre part comme sacerdoce ministériel. De ces deux modes de participation, le second est au service du premier et c'est lui qui est transmis par le sacrement de l'Ordre. Il comprend l'épiscopat et le presbytérat, que le diaconat, qui relève lui aussi du sacrement de l'Ordre, est destiné à aider et servir. On parle donc pour l'épiscopat et le presbytérat de « degrés de participation sacerdotale », et pour le diaconat de « degré de service.[3]» Le fondement ontologique de ces trois degrés du sacrement de l'Ordre consiste et dans la grâce sacramentelle – qui est une modalité de la grâce sanctifiante –, et dans le caractère que ce sacrement imprime dans l’âme.

Les trois degrés du sacrement de l'Ordre

A l'intérieur de l'unique sacrement de l'Ordre, il existe entre l'épiscopat, le presbytérat et le diaconat une différence non pas essentielle, comme entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun, mais de degré seulement. L'épiscopat constitue en effet la plénitude de ce sacrement, d'où son autre nom de « sacerdoce suprême », et de lui dépendent le presbytérat et le diaconat.

L'épiscopat

La mise en lumière de l'épiscopat comme plénitude du sacrement de l'ordre remonte seulement au Concile Vatican II. Les évêques, successeurs des Apôtres, tiennent la place éminente du Christ lui-même comme maîtres de la foi, pontifes et pasteurs. Par eux se transmet, le ministère épiscopal, presbytéral et diaconal (Cf. LG 28).

Le presbytérat

La fonction ministérielle des évêques transmises aux prêtres à un degré subordonné fait de ceux-ci les coopérateurs des évêques. Dépendant des évêques dans l'exercice de leur pouvoir, les prêtres sont cependant revêtus de la dignité sacerdotale. Ils sont ordonnés pour prêcher l'Évangile, conduire la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée et célébrer le culte divin.

Le diaconat

Les diacres se situent au degré inférieur de la hiérarchie. Ils sont ordonnés non en vue du sacerdoce, mais du service. Alors que lors de l'ordination d'un prêtre, les autres prêtres imposent les mains à l'ordinand, dans le cas d'un diacre, seul l'évêque accomplit ce geste signifiant par là que le nouveau ministre lui est spécialement rattaché.

Le caractère

Comme les sacrements du Baptême et de la Confirmation, le sacrement de l'Ordre confère un caractère spirituel indélébile qui configure à l'humanité du Christ[4]. Cette marque permanente dans l'âme demeure, dans le cas du sacrement de l'Ordre, comme une disposition au service de l'Église. Elle est une sacra potestas (Cf. LG 10 et 18) qui habilite à agir en tant que représentant du Christ, Tête de l'Église, dans sa triple fonction de Prêtre, Prophète et Roi. Par elle, l'évêque et le prêtre sont disposés à agir in persona Christi capitis, et aussi, en incluant ici le diacre, in nomine ecclesiae, au nom de toute l'Église.

La grâce sacramentelle

La grâce sacramentelle reçue lors de l'ordination épiscopale, presbytérale ou diaconale est tout ordonnée au service du sacerdoce commun des fidèles dont l'essence consiste en l'offrande d'un sacrifice spirituel (cf Rm 12,1). Cette articulation des deux sacerdoces, commun et ministériel, qui diffère essentiellement (cf. LG 10) apparaît au plus haut point lors de la célébration eucharistique. Tandis que l'évêque ou le prêtre fait, in persona Christi, le sacrifice eucharistique et l'offre à Dieu au nom du peuple tout entier, les fidèles concourent à cette offrande.

La grâce reçue par l'évêque lors de son ordination est d'abord une grâce de force pour guider et défendre son Église particulière. Celle des prêtres une grâce de coopération à la charge des évêques. Quant à celle des diacres, elle est une grâce de force pour servir le peuple de Dieu dans la ''diaconie'' de la liturgie, de la Parole et de la charité.

EN LA PERSONNE DU CHRIST-TÊTE ET AU NOM DE L'ÉGLISE

Les expressions in persona Christi capitis, en la personne du Christ-Tête, et in nomine ecclesiae, au nom de l'Église, sont anciennes. Elles véhiculent la foi que la conscience chrétienne a du sacerdoce participé par le ministre.

Dire de l'évêque ou du prêtre qu'il agit in persona Christi capitis, signifie que par ses actes ministériels le Christ Lui-même « est présent à son Église en tant que Tête de son corps, Pasteur de son troupeau, grand prêtre du sacrifice rédempteur, Maître de la Vérité.[5]» Nous sommes là dans une médiation descendante.

Le sacerdoce ministériel agit aussi au nom de toute l'Église lorsqu'il présente à Dieu la prière de l'Église, au cours notamment de la célébration liturgique, et surtout lorsqu'il offre le sacrifice eucharistique. Le ministre n'agit pas en son nom propre, ni par lui-même, ni par une autorité qui lui serait propre. Il est le signe ou du Christ ou de l'Église.

L'ORDRE DES TRIA MUNERA

Dans l'Ancien Testament, trois catégories de personnes reçoivent une onction : le prêtre (Aaron et ses descendants), le roi (Saül et David) et le prophète (Élisée). Le Christ cumule ces trois fonctions ou tria munera de par une unique onction triforme et les communique aux Hommes dans la ligne du sacerdoce baptismal et dans celle du sacerdoce ministériel. Ces fonctions ordonnées entre elles en lien avec les vertus théologales de foi, d'espérance et de charité, peuvent être appréciées soit selon un ordre de génération, soit selon un ordre de perfection.

Les tria munera selon l'ordre de génération

L'ordre de génération consiste à partir du moins parfait pour aller vers le plus parfait. Selon cet ordre, la charge d'enseigner ou munus docendi, précède la charge de sanctifier ou munus sanctificandi qui lui-même est suivi de la charge de gouverner le peuple de Dieu ou munus regendi. La prédication en effet engendre la foi, qui conduit à demander le baptême, porte de tous les sacrements dont l'eucharistie, sacrement de la charité, est le sommet, et dès lors la vie des chrétiens doit être gouvernée dans l'espérance des biens eschatologiques. A ce propos, le concile Vatican II enseigne que les prêtres ont « pour première fonction d'annoncer l'Évangile de Dieu à tous les Hommes.[6]»

Les tria munera selon l'ordre de perfection

L'ordre de perfection n'est pas un ordre d'exécution comme l'ordre de génération, mais de hiérarchie des valeurs. Selon lui, le munus sanctificandi précède le munus docendi qui lui-même prend place avant le munus regendi. Dans ce sens, le concile Vatican II affirme que le munus sanctificandi est la principale fonction des prêtres (cf. PO 13), notamment par la célébration de la sainte Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Les munera docendi et regendi sont seconds en tant que la fonction d'enseignement lui est dispositive et la fonction de gouvernement consécutive.

BIBLIOGRAPHIE

  • Catéchisme de l'église catholique, N° 1536-1600.
  • Bourgeois D., L'un et l'autre sacerdoce, Paris, 1991.
  • Soujeole de la B.-D.,St. Thomas, Somme de théologie, IIIa, q. 22.
    • « Les tria munera Christi. Contribution de saint Thomas à la recherche contemporaine », RT 99 (1999) 59-74.
    • Cours spécial sur le sacerdoce, Fribourg, 2005.

[1] CEC 1536.

[2] Ibid., 783.

[3] Ibid., 1554.

[4] CEC, 1121.

[5] Ibid., 1548.

[6] PO 4.

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